Bleu lagon. Sataya, Mer Rouge. Ciel bleu impeccable. Lagon bleu translucide. Impatients du rendez-vous, avec le groupe de la croisière, nous voilà déjà dans l’eau vêtus de t-shirt et pantalon en lycra, sur nous masque, tuba, et palmes. Nous baignons dans les bleus fabuleux de la Mer Rouge. La matinée s’annonce radieuse. Islam n’est jamais trop loin de nous avec le zodiaque. Au loin, on peut apercevoir l’Atlanty, notre bateau, « Christian », et « Ambre », les bateaux voisins, ancrés aussi pour la semaine dans le lagon.
Le lagon, un pays à part. Symphonie.
Un espace temps suspendu. Murielle, qui a créé Magie de sirène, est venue un jour ici faire un stage pour combattre sa peur de l’eau, aujourd’hui elle transmet sa passion ! Ce matin, elle nous rappelle quelques règles de base à respecter pour la rencontre. «Surtout pas de crawl, ça peut les effrayer, mettez plutôt vos mains derrière le dos, ne les touchez pas. » Perche avec Gopro à la main, Oussama et Ryan, nos deux professionnels égyptiens qui encadrent l’activité plongée, se tiennent eux aussi prêts pour le rendez-vous. Mon corps aussi. Habitué aux rivières glacées, aux lacs de montagnes, mon corps est agréablement surpris par la température de l’eau. La Mer Rouge est tellement chaude qu’elle en est enveloppante. Impatients du rendez-vous fortuit, de la rencontre impromptue, nous observons, regardons au loin, parfois on peut les voir arriver à la surface avec les ailerons. Attentifs aux moindres signes, la tête sous l’eau, nous écoutons les voix du lagon, ses murmures. Tout à coup, ils sont là, quelque part autour de nous, on les entend arriver, on les entend siffler. Leurs mélodies bien à eux. Là, tout à coup, ils sont quelque part par là, ils ne sont plus très loin. Ils sifflent. Et les sifflements persistent, s’intensifient, se font de plus en plus palpables. Ils s’approchent, ils sont quelque part par là, tout près. Soudain ils apparaissent sous nos yeux, sous mes yeux, à côté de moi, comme de nulle part, ils ont franchi la ligne de l’invisible vers le visible, ils ont traversé le bleu nuit abyssal, ils surgissent des profondeurs, ils sont venus à nous, ils sont là une dizaine, vingtaine, trentaine, cinquantaine, centaine ? Je n’en crois pas mes yeux.
Euphorie.
Mon cœur bat de plus en plus vite. Ils avancent ensemble, en troupeau, tranquillement, sous l’eau, ils dorment en nageant, « ils viennent se reposer des agitations de la mer, trouver refuge dans le lagon. » Le spectacle est saisissant. A couper le souffle.
Euphorie.
Excitée, mon cœur bat à cent à l’heure. Calme la respiration, prépare-toi pour la rencontre. Doucement, une bonne inspiration, et je plonge en « canard ». A la verticale. Aux pieds, des palmes voilures longues, je bats des jambes, amplitude du geste, je me déploie, je me propulse plus loin vers le fond, la ceinture de plomb m’aide à descendre, je m’assure que le masque m’englobe bien les yeux, le nez. Le pouce et l’index pressent sur les narines, j’expire, je libère la pression dans les oreilles, je descends plus bas, désir brûlant de les rencontrer, les rejoindre, les approcher ou se laisser approcher. « Ne pas les toucher, ne pas les effrayer, adopter leur posture, leur silhouette. » J’ondule, les mains superposées croisées derrière le bas du dos, je nage plus loin, plus bas, je pince à nouveau les narines, je libère encore la pression, descendre plus bas, ne pas nager trop vite, le moindre effort coûte en oxygène, dans ma tête résonne encore le conseil de Murielle : « Dis-toi que quand ton cerveau te dit que tu ne peux plus tenir, tu as encore en réalité vingt secondes. »
J’ondule, le silence m’embrasse, en moi tout se fait silence, ivresse des profondeurs, j’ondule, plus rien n’existe que cet instant de symbiose, de communion avec eux, j’ondule je baigne dans le rêve, je nage avec les dauphins. Instant de grâce. Beauté suspendue. Lumière bleue translucide.
