Figuig, Maroc
Se perdre dans Figuig, la belle Figuig !
Extrait du « Carnet du Maroc, de Ouarzazate à Figuig à pied »,
avec Pierre Fritsch, 800km à pied en autonomie totale à travers l’Anti-Atlas et le Sahara.
déc.2021/janvier 2022.
Une après-midi
A cette heure de la sieste où le soleil cogne fort
Où la ville tout entière somnole, il flâne dans la rue principale, mon corps de marcheuse, il flâne dans la lumière dorée. Figuig calme et silencieuse m’invite chaleureusement à me perdre dans sa vieille ville. Elles ne résistent pas longtemps, mes jambes d’exploratrice. En deux deux, voilà que je m’échappe de sa grande rue à ciel ouvert, me glisse sous les arcades, plonge au hasard dans la première rue étroite, ombragée, souterraine, qui s’offre à moi,
me voilà soudainement parachutée dans les coulisses traditionnelles d’un « qsar » (historiquement ancien quartier),
une ville dans la ville, un monde dans le monde,
je déambule, peu à peu je m’enfonce dans cette surprenante atmosphère spéciale clair-obscure, j’avance dans la pénombre, je persiste… Au-dessus de moi, des toits en bois de palmier, ingénieusement conçus pour abriter ses habitants de la chaleur, je m’engouffre plus loin, passe d’une ruelle ombragée à une autre, serpente de virage en virage, me faufile délicieusement dans ce dédale hallucinant, me laisse porter sans trop savoir où il me mène,
tout à coup je bute sur une impasse, fais demi-tour, m’engage sur une nouvelle rue, tombe à nouveau nez-à-nez devant un cul-de-sac, rebrousse chemin, reprend un virage, face à moi une impressionnante porte ancienne avec ses motifs amazighs, bifurque sur une autre rue, la longe, devine à travers un trou de lumière d’une porte d’entrée la cour intérieure d’une maison, la vie de ses habitants, m’engage dans une nouvelle rue,
aspirée par les tunnels sans fin de la vieille ville,
Figuig enivrante,
Me voilà définitivement, royalement bel et bien perdue dans la plus belle ville-oasis du désert,
Labyrinthe de fraîcheurs et de silences, comment vais-je en sortir ?
Tout à coup au loin, au coin d’un virage, dans un rayon de lumière surgit de nulle part une silhouette discrète à vélo, un figuiguien qui pédale tranquillement dans un silence souverain. Instant de grâce.
Ce rayon de lumière, là-bas, au loin, c’est lui que je dois suivre, lui il va m’extraire de ce labyrinthe, m’indiquer la sortie,
J’avance, me rapproche, trois femmes voilées apparaissent alors dans ce même puits de lumière, décidément elles aussi, d’où arrivent-elles ? Je me décide, je m’engage, et plonge toute entière dans le faisceau, je le traverse…
Mes pas débouchent aussitôt sur un grand ciel bleu.
Une grande place
Une nouvelle ville dans la ville
Le nouveau monde :
Zenaga
sa mosquée, ses cafés, son ancien marabout, sa banque et ses palmiers.
Emerveillée, je flâne dans ce nouveau paysage surréaliste, je traverse la place, me faufile entre les passants, poursuis ma quête, me perdre encore dans Figuig, Je déambule, j’explore, je m’engouffre dans une nouvelle rue obscure, je déambule, j’explore, des cours intérieures insoupçonnées, inaccessibles, absorbée par ce nouveau dédale ombragé, je pars à l’affût d’un nouveau puits de lumière, une sortie, , cette fois-ci avec surprise je me tiens debout face à un mur en terre érodée, une tour de guet en ruine, plus loin dans le ciel bleu, je devine, se dresse le fameux minaret octogonal en pierres, de l’époque mérinide, majestueux. Plus loin encore à l’horizon la magnifique chaîne de montagnes, par de-là les montagnes l’Algérie,
Figuig lézardée, Figuig authentique, Figuig enivrante, je longe le dédale de mur en ruines, terre jaune ocre, aspirée par un nouveau labyrinthe, bien plus impressionnant, la palmeraie géante, verdoyante, je m’enfonce dans ce merveilleux dédale de jardins et rivières, je passe devant un grand bassin d’irrigation, me faufile entre les palmiers gigantesques, cueille des dattes, délice sucrée caramélisé, tombe nez à nez devant un magnifique cheval, qu’il est beau , majestueux dans la pleine lumière du jour, et ce grand ciel bleu dégagé, et puis je longe encore et toujours un long murs en ruines, une rigole, m’y rafraîchis les pieds, des canaux d’irrigation, je déambule, je baigne dans la lumière dorée et verdoyante de Figuig, je savoure, absorbée par tout ce bleu du ciel, tout ce bleu clair irréprochable, tout ce vert puissant surprenant en plein cœur du désert, ce jaune ocre de la terre, je poursuis ma quête, me perdre encore, et encore dans la plus belle ville oasis du désert, je flâne, je me faufile, je m’engouffre encore et encore plus loin dans le labyrinthe féerique de la palmeraie, longe des sources d’eaux souterraines, « artésiennes » dit-on (des eaux qui émergent de la terre sans l’intervention de l’homme), je plonge toute entière dans un bassin d’eau tiède, délice d’une source naturelle, chacun de mes muscles, tout mon corps de marcheuse récompensé, une piscine secrète dont l’accès demeure quasi introuvable à moins de se perdre complètement dans la ville-oasis et tomber dessus par hasard…
 
															 
															