Clotilde Pratt

Autopoéticoportrait

Entre mer et montagnes

Tantôt plongée dans les

profondeurs abyssales

« vingt milles lieues sous les mers »

Tantôt avec les neiges éternelles

Je nage je vole je glisse

Je suis oiseau-sirène

Je plonge loin sous la terre

Ou je m’élève loin au-dessus d’elle

Les mots dit-on donne des ailes

Moi les mots me ramènent,

m’ancrent sur terre

A chaque mot déposé sur l papier

A chaque boucle que je tisse

entre les lettres

Je reviens ici et maintenant

Dans la matière terre

La matière corps

Au cœur de la matrice-monde

Au centre de la terre

A la source.

Entre mer et montagnes,

Tantôt sur les flots

Tantôt sur les sommets

Vêtue de ma peau écailles ou de

mes plumes

Je plonge je nage je rame je vole

je grimpe j’escalade

Je danse

Les mots m’ancrent

Je marche je galope

A chaque lettre que j’enroule sur

le papier

A chaque lettre que je tisse avec

une autre

A chaque mot que je couds avec un

autre

Je me rapproche un peu plus de la

matrice

Je suis aspirée par le centre de la

terre

J’embrasse la source

Je ne fais plus qu’un avec l’origine

Mes plumes-écailles m’évadent

Les mots m’ancrent ici et

maintenant

Hic et nunc

Maintenant

Ma paume de main pleine de mots

Des étreintes de mots

Un jour des phrases

Un beau jour une histoire

Un soir une berceuse

Un voyage

Mes pas foulent terres d’ailleurs,

désert blanc, sable rouge

Entre mer et montagnes

Entre flots atemporels et neiges

éternelles

Vêtue de mes plumes-écailles

Quand j’écris

Il me pousse des semelles d’or

La terre tremble sous mes

astragales

Parfois elle s’ouvre sous mes pieds

le sol se dérobe… 

Je chute plus loin que les abysses

Je chute je rejoins le centre de la

terre

Je suis la source

Je renais de mes cendres

Les mots me symphonisent

Je respire à nouveau l’humus 

Je savoure la sève

Je déplie chacun de mes pas sur la

mousse de la page blanche

Je renais

Les mots m’ancrent

Les mots m’ancrent

Les mots m’encrent

Le verbe m’harmonise

Je suis oiseau-sirène au visage de feu

Feu femme

En moi  tant de flammes de vies

Vivre vibrer se risquer se dépasser

aimer encore s’y perdre

aimer encore savourer se délecter

Etre en vie

J’écris je suis en vie

je suis debout

Je renais de mes cendres

Je suis oiseau-sirène au visage de feu

Feu femme

Entre mer et montagnes,

Toujours au-dehors

Perpétuellement en exil de soi

Ma maison-monde

La chambre de l’immensité

J’y cavale j’y galope je l’explore j’ai soif

du monde, des autres

Rencontrer l’autre, mon frère, ma

sœur, différent et pareil

Je suis oiseau-sirène au visage de

feu

Feu femme

J’écris

Les mots m’ancrent

Feu femme

Je déploie mon envergure

Mes allures essentielles

A toute vitesse

Lentement

Prendre le temps d’être en joie

S’aimer

Accueillir la beauté

Se laisser traverser

Surgissement

J’écris je m’encre je m’émerveille

Quelque chose à cet instant

Du monde du temps de la lumière

des battements de mon

cœur

Quelque chose irradie

entre les mots…

 

Autopoéticoportrait, 11 mars 2023,

Strasbourg.

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